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L’art
martial malayo-indonésien pencak silat et
l’école javanaise Merpati Putih Le
pencak silat Le
pencak silat (prononcer pèn’chak silat’) est l’art martial par excellence
du monde malais. Il est pratiqué en Indonésie, en Malaisie, à Brunei, à
Singapour, dans le sud de la Thaïlande et aux Philippines ainsi que là où se
trouvent des communautés malayo-indonésiennes : Surinam, Pays-Bas,
Nouvelle-Calédonie, Afrique du sud… Plus récemment (à partir des années
1970, surtout), des écoles ont essaimé en Europe, aux Etats-Unis, au Japon et
même en Afrique et au Moyen Orient, sous l’égide de maîtres indonésiens
expatriés ou de personnes venues se former dans le monde malais. En tenant
compte du fait que l’art martial représente un mode éducatif très valorisé
dans ses régions d’origine, on peut raisonnablement estimer que le nombre
actuel de pratiquants en Asie du Sud-Est – hommes et femmes – s’élève à
au moins six millions et plusieurs dizaines de millions de personnes encore
vivantes l’ayant pratiqué. Origines ? Issu
de pratiques se transmettant par tradition orale et sous le sceau du secret, le
pencak silat ne présente pas des origines certaines. L’archipel malais ayant
été très marqué par la civilisation indienne, il pourrait provenir des arts
martiaux du sous-continent indien, avec des emprunts plus récents aux arts
martiaux chinois. L’empire
bouddhiste de Śrîvijaya au VIIe siècle, dont le centre se
trouvait dans le sud de Sumatera, représentait une escale importante de la voie
maritime reliant l’Inde à la Chine. Porte de pénétration du Bouddhisme vers
l’Asie du Sud-Est et vers la Chine et escale commerciale, il présente un
exemple de contexte favorable à la pénétration et/ou à la formation de
techniques martiales rapprochées. Le pencak silat aurait pu se développer au
sein des communautés religieuses hindo-bouddhistes, la tradition aurait ensuite
été reprise par les communautés religieuses musulmanes – où il était
couramment pratiqué jusqu’à une période récente – et l’expansion de
l’islam d’ouest en est aurait favorisé la pénétration et la pratique dans
toutes les zones investies par cette religion. L’étude des techniques et des
supports linguistiques régionaux tend à confirmer ces hypothèses. A la suite
de l’occupation nippone pendant la 2nde Guerre Mondiale, les écoles
de pencak silat se sont inspirées du système d’organisation des arts
martiaux japonais. Spécificité
du pencak silat
L’art martial présente
des caractéristiques tout à fait propres, notamment l’aspect esthétique de
ses mouvements et sa pratique avec accompagnement instrumental. Il compte une
dizaine de styles (aliran) régionaux pour environ 800 à 1000 écoles (perguruan).
L’évolution
du pencak silat comme sport de combat est un phénomène récent. Il s’est
probablement dès l’origine associé aux pratiques rituelles ancestrales et
plus particulièrement à celles d’initiation guerrière. A travers sa
pratique, en même temps qu’un savoir-agir, une éthique et un positionnement
social, d’autres savoirs très valorisés sont retransmis : connaissances
anatomiques, méridiens énergétiques, soins par massage et action sur les
circuits énergétiques, soins des fractures et fêlures, phytothérapie,
classifications naturelles (monde végétal et animal), comput et cosmologies
locales, classification des caractères humains au travers des répertoires
classiques locaux, etc. Le
pencak silat véhicule donc un ensemble de valeurs et la pratique se présente
comme une quête de perfectionnement liée à l’équilibre cosmique. Dans
cette perspective, le pesilat se doit de respecter les vertus d’humilité
et de courage mises en avant dans les différents systèmes philosophiques régionaux. Au
point de vue technique, les jurus (enchaînements de mouvements) sont
pourvus d’une dimension esthétique (seni) liée aux lois naturelles
par lesquelles le pesilat s’efforce d’exprimer l’harmonie cosmique.
Les pas (langkah) jouent un rôle de base : ils offrent au pesilat
une multitude de possibilités tout en lui permettant de se repérer dans
l’espace. Les
techniques d’autodéfense (bela diri) se caractérisent par la
rapidité et la puissance. Percussions pied-poing, clefs, balayages, maniement
d’armes… l’arsenal technique des arts martiaux est intégralement utilisé.
Toutefois, chaque école possède son propre éventail de mouvements et
l’usage des armes est toujours réservé aux plus hauts niveaux de pratique. La fédération
indonésienne de Pencak Silat et la fédératio internationale
Tisnowati
Tamat (Pelajaran dasar pencak
silat, Miswar, Jakarta, 1986) raconte qu’<<En 1943-44 furent
réunis à Jakarta des représentants de toutes les provinces pour être entraînés
à un pencak silat composé de
douze jurus
et édifié par le Renggo Tai (Organisation de
troupes locales entraînées au combat, durant l'occupation japonaise)
. Mais lorsqu'ils rentrèrent chez eux et
voulurent répandre la pratique de ce pencak
silat au douze jurus, ces
instructeurs se heurtèrent au refus catégorique des écoles locales.>>
Selon l'auteur du livre, c’est cet exemple qui a inspiré les Indonésiens
pour créer un organisme national dès le 18 mai 1948, la « Fédération
de pencak silat pour toute
l'Indonésie », (Ikatan Pencak Silat Seluruh Indonesia ou IPSSI), dirigée
par Bapak Wongsonegoro. Depuis, l’IPSSI est devenue IPSI (Ikatan
Pencak Silat Indonesia). Elle travaille à mettre en relation les différentes
écoles, organise la compétition au niveau national et fait la propagande de
l’art martial à l’étranger. En 1976, Bapak Eddy M. Nalapraya devient président
de l’IPSI et en 1980 se réunissent à Jakarta des délégations de Singapour,
de la Malaisie
et de l'Indonésie qui fondent la « Fédération
internationale du pencak silat », Persekutuan pencak silat antara bangsa,
ou Persilat
. Eddie M. Nalapraya en est élu président, ce qui
témoigne de la prépondérance de l’IPSI au sein du Persilat. Depuis 1983, le
Persilat organise un championnat mondial et il compte aujourd’hui 42 pays
membres (dont une majorité proportionnelle de pays occidentaux). Le pencak
silat est depuis plusieurs années compétition officielle aux Jeux d'Asie du
Sud-Est, et épreuve de démonstration aux jeux d'Asie, étape préliminaire
avant les jeux olympiques. Les différentes fédérations nationales organisent
elles aussi des compétitions locales et internationales. Ces
vingt dernières années, les efforts de standardisation ont été très
soutenus à l’IPSI. Après des phases d’essai interne au monde malais, les résultats
sont intégrés à la compétition internationale. Notons qu’en 1992, un diplôme
d'entraîneur national de pencak silat a
été créé au sein de l'Ecole Normale de Sport (IKIP olah raga) de Yogyakarta.
Depuis 2003, la direction de l’IPSI a été reprise par le beau-fils de
Suharto, Prabowo. Celui-ci n’est pas un homme de terrain et ne favorise pas la
progression de la fédération nationale. Cependant, le Persilat toujours dirigé
par Pak Eddy continue à faire connaître et progresser la pratique sportive du
pencak silat. L’école
Merpati Putih
Merpati
Putih (« la Colombe » en indonésien) est une des principales écoles
indonésiennes de pencak silat. L’école compte aujourd’hui près de 300
centres d’entraînement de par le monde, pour une dizaine de milliers de
membres. Selon
les responsables de l’école, le savoir-faire enseigné émanerait de Radèn
Ayu Nyi Djoyo Rekdjoso, princesse de lignée royale issue de la dynastie de
Mataram à Java-Centre. C’est son fils, Radèn Mas Rekso Widjoyo qui aurait
fondé la première école au début du XIXème siècle à Baledono,
près de Magelang. L’école se serait ensuite développée de père en fils
jusqu’à ce que Saring Hadi Poermono rationalise les techniques et
institutionnalise l’école sous le nom de Merpati Putih (MP) le 12 avril 1963
à Yogyakarta (Java Centre). Très
respectée en Indonésie, l’école a développé depuis sa fondation des
partenariats avec les milieux médicaux et sportifs. Elle participe aussi à
former la garde présidentielle, ainsi que certains groupes d’élite de
l’armée indonésienne. MP est réputée pour ses techniques de maîtrise de
la « force vitale » (tenaga dalam). Cet élément caractéristique
du pencak javanais implique un apprentissage qui se fonde sur des exercices
respiratoires pratiqués suivant des combinaisons de postures spécifiques. Les
mises en pratique qui permettent au pratiquant de tester son potentiel de tenaga
dalam sont notamment la casse d’objets durs et la détection d’objets cachés.
A force d’entraînement, de concentration et de méditation, les pesilat de MP
affinent leurs capacités réceptives de proprioception et parviennent – en
concentrant leur attention – à ressentir les ondes qui constituent le milieu
ambiant. Merpati
Putih et l’AFPS L'école
Merpati Putih est membre de l'Association France Pencak Silat (l'AFPS), membre
officiel de la FFKAMA (Fédération Française de Karaté et des Arts Martiaux
Affiliés). L'AFPS est reconnue par la fédération internationale de pencak
silat, le Persilat. L'AFPS est aussi membre de la fédération européenne de
pencak silat. Elle organise les stages de préparation à la compétition et à
l'arbitrage, ainsi qu'un open de France (quatorze édition, déjà !) très
médiatisé depuis quatre ans, depuis qu'il attire des délégations asiatiques
(Indonésie, Malaisie, Singapour, Japon, Népal). Il existe de plus un DIF (Diplôme
d’Instructeur Fédéral) arts martiaux d'Asie du Sud-Est à la FFKAMA, qui
inclut le pencak silat. Les membres de l'AFPS sont sélectionnés en fonction du
sérieux de la formation des instructeurs de pencak silat, lesquels ont été
soit formés en Indonésie ou en Malaisie, soit en Europe auprès de maîtres
indonésiens ou malaisiens. L’entraînement
de pencak silat de l’école Merpati Putih Déroulement
type d’un cours Un
cours se déroule de la façon suivante: Echauffement, techniques d'équilibre
et de déplacement, techniques d'autodéfense, techniques respiratoires,
techniques de maîtrise de la concentration interne, méditation. Progression
dans la pratique Pour
un rythme de deux fois une heure et demi ou deux heures par semaine, on peut
monter de niveau au bout de neuf mois. En un an, on acquiert les techniques de déplacement,
les techniques de percussion et d'esquive de base, une santé énergétique
(musculation, souplesse, circulation sanguine, activité cardiaque...) et des
capacités honorables de concentration interne et de régulation d'anxiété ou
de stress, que l'on développe par la suite. A
partir de la troisième année, il y a un début d’apprentissage du bâton (toya
ou tongkat) et de la machette (badik). Les techniques
respiratoires et méditatives sont approfondies et on commence à effectuer des
entraînements les yeux bandés pour détecter l’environnement immédiat et
affiner ses capacités perceptives et son ressenti. Ces
techniques permettent d’exprimer la philosophie comportementale de l’école :
Mersudi patitising pusakané titising hening, « Rechercher jusqu’à
obtenir un comportement juste par la voix de la paix intérieure ». L’entraîneur :
Jean-Marc DE GRAVE A
la découverte des arts martiaux indonésiens Après
huit ans de pratique du buto, Jean-Marc DE GRAVE – orientaliste et
anthropologue de formation – commence à pratiquer le pencak silat à Célèbes-Sud
(Indonésie) en 1991. Pendant une année, il s'initie dans les écoles Panca
Mustika, Sempren Tujuh et Tunggal Hati Seminari (cette dernière est originaire
de Java Centre). L'année suivante, il approfondit à Yogyakarta (Java Centre)
Tunggal Hati Seminari, qui utilise des techniques respiratoires très développées.
Il pratique aussi intensivement à l’école Marga Luyu ; il s’agit de
la plus ancienne des écoles de tenaga dalam, dans lesquelles on utilise
des mouvements dérivés du pencak combinés à des techniques respiratoires
particulières. C’est lors de ce séjour qu'il fait la connaissance du style
Merpati Putih. Les
écoles Marga Luyu et Merpati Putih En
1995, Jean-Marc DE GRAVE retourne un an en Indonésie où il rejoint l'école
Merpati Putih. De retour à Yogyakarta en 1998-1999, il atteint le grade
d’entraîneur à Marga Luyu et celui d’assistant entraîneur à Merpati
Putih. Il est formé aux techniques de getaran, les techniques yogiques
et respiratoires les plus avancées de MP. Création de
cours en France A
partir de 2001, il entame une collaboration avec le centre Merpati Putih de La
Haye aux Pays Bas, où se trouve le plus haut gradé de Merpati Putih en Europe ;
en parallèle, il enseigne en France de manière informelle. En 2003, Merpati
Putih le mandate pour représenter l’école et ouvrir des centres d’entraînement. En
2004-2005, il inaugure un cours de pencak silat à l’Université
Paris-Dauphine. Face au succès rencontré, ce cours prend en 2005 le statut
d'Unité d’Enseignement libre intégrée au LMD (Licence/Master/Doctorat) de
Dauphine. La même année il inaugure à Aubervilliers un cours de Merpati Putih
avec les responsables de l'Association Paris Pencak Silat. Sur la base d’une
dizaine de pratiquants en 2005 et soutenu par l’infrastructure de la commune,
le cours a doublé ses effectifs en 2006, présageant une année 2007
florissante, toujours pleine d’entrain et de bonne humeur partagée. Depuis
septembre 2006, un cours de pencak silat s’est ouvert à Vernon avec le
soutien du SPN karaté, vous êtes cordialement convié à venir faire un cours
d’essai… Bilan
de saison du pencak silat à Vernon Le
17 juin dernier, les élèves de pencak silat de Vernon de première génération
ont passé de niveau. Sur les photos, l’un d’entre eux passe l’épreuve de
maîtrise de l’énergie vitale (tenaga dalam en indonésien) : après les
exercices respiratoires et de concentration, il casse un bloc de béton
cellulaire. Ce
passage de niveau vient ponctuer une année d’exercices physiques de
mouvements de déplacement, de techniques offensives et défensives,
respiratoires et méditatives. Outre le cours hebdomadaire, des stages complémentaires
ont été effectués en relation avec l’Association Paris Pencak Silat (stage
complet, y compris une initiation au combat de compétition) et l’Association
France Pencak Silat, membre officiel de la FFKDA, qui organise la compétition
officielle en France et en Europe en relation avec la fédération
internationale, la Persilat. Les
cours sont assurés par Jean-Marc de Grave (degrave.jm@wanadoo.fr), diplômé fédéral
de la FFKDA, niveau certifié équivalent 4e dan, assisté de son
fils Johan de Grave (niveau pencak silat équivalent 2e dan). Ils
sont encadrés par le SPN karaté, son président Joël Dubuc (akv.dubuc@laposte.net)
et sa trésorière Ghislaine Thivent.
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